Du vin au beurre
La belle histoire du beurre Charentes-Poitou AOP commence curieusement par un drame. À la fin du 19e siècle, les paysans de la région voient leurs vignes réduites à néant par un insecte. Ils décident alors de reprendre leur destin en main.
Pendant des siècles, les fermiers du Poitou et des Charentes vivent essentiellement de la culture viticole. Mais en 1872, la présence du Phylloxéra, un insecte comparable au puceron, est décelée près de Cognac avant de se propager rapidement sur tout le territoire de la Charente et de la Charente-Maritime.
Face au spectacle désolant des terres ravagées, des cultivateurs refusent de baisser les bras. Ils décident de se tourner vers la polyculture et l’élevage de vaches laitières.
Ensemble, ils ont l’idée de se fédérer pour produire des produits laitiers élaborés. Une première coopérative laitière voit le jour près de Surgères, en 1878, pour fabriquer du beurre. Le succès est immédiat. De nouvelles coopératives fleurissent sur tout le territoire. 200 laiteries y voient le jour entre 1880 et 1950 !
Les débuts de la pasteurisation
Au départ, le beurre fabriqué par ces coopératives est principalement cru. Puis, à partir de 1900, la pasteurisation s’impose dans toute l’industrie laitière. Elle améliore les conditions et la durée de conservation des produits, ce qui permet d’élargir la zone de chalandise et de conquérir de nouvelles clientèles.
En train vers Paris
Au 19e siècle, le nouveau beurre poitevin-charentais profite de l’avènement du rail. La France se pare progressivement d’un large réseau de lignes ferroviaires, démocratisant le transport des passagers comme des marchandises. La Compagnie du Chemin de Fer de Paris à Orléans ouvre une gare à Surgères en 1857. Au marché couvert des Halles, qui déménagera plus tard à Rungis, les commerçants, artisans et restaurateurs parisiens découvrent et se délectent de ce beurre goûtu, crémeux et idéal pour la réalisation des feuilletages et des viennoiseries.
De l’AOC à l’AOP
Devant un tel succès, les coopératives laitières décident de protéger le beurre Charentes-Poitou des tentatives d’usurpation et d’obtenir une reconnaissance de leur produit. En 1979, le beurre Charentes-Poitou reçoit d’abord l’Appellation d’Origine Contrôlée, décernée par l’État français. Puis en 1996, il est le tout premier beurre à obtenir l’Appellation d’Origine Protégée, délivrée par l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) et certifiée par la Commission européenne.